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Mes Mots ont la Parole

Interview réalisée par Pierre

La première question traditionnelle mais indispensable : pouvez-vous vous présenter, quelles sont vos activités en dehors du groupe, vos passions, vos objectifs à plus long terme… ?

Hervé : Je m'appelle Hervé, j'habite en région parisienne et je joue de la basse dans Belle Epoque… En dehors du groupe, je suis étudiant en sociologie. Ma passion, c'est la musique comme, je pense, à peu près tout le monde dans le groupe. Après bien sûr, j'aime plein d'autres choses, je ne suis pas focalisé sur un truc en particulier mais c'est dur de te résumer mes passions en trois lignes …Pour ce qui est de mes objectifs à plus long terme…euh… réussir à construire ma vie, arriver à trouver un certain équilibre, parce que des fois c'est un peu le bordel, eheh… Je ne sais pas trop où je vais mais au final, ça n'a pas vraiment d'importance. Je n'ai aucune envie d'établir un plan de carrière que ce soit au niveau professionnel ou musical… J'essaye de prendre les choses comme elles viennent, même si c'est plus facile à dire qu'à faire…Plus concrètement, en ce qui concerne le groupe, j'espère qu'on va réussir à sortir un vrai disque (un jour, peut être !), qu'on aura encore l'occasion de voyager, de découvrir d'autres pays et que notre amitié ne fera que se solidifier…

Sébastien : Sébastien, 23 ans, batteur dans Belle Epoque et dans la vie je fais du dépistage et de la prévention dentaire en école. Activités en dehors du groupe : J'ai une grande passion pour la musique électronique (drum'n bass, hardtek, hardcore). Ca fait trois ans que je mixe ce genre de sons et six ans que je fréquente ce milieu, et je commence à organiser quelques petites free privées. Mes objectifs : continuer à faire de la musique avec mes amis et prendre toujours autant de plaisir. Et, bien sûr, monter différents projets musicaux tout au long de ma vie.

Quel a été votre parcours musical depuis l'adolescence ? Comment avez-vous découvert le punk/ hardcore et qu'est ce qui vous a séduit dans cette scène ?


Hervé : J'ai commencé à écouter de la musique très jeune par l'intermédiaire de mes parents… C'était surtout de la musique classique, du rock, du folk, de la soul des années 70 et puis pas mal de musiques pour gosses aussi !!Mais mon premier vrai album ça a été une K7 de Benny B !! Sérieux je l'adorais ! Du coup je voulais être un rappeur et faire du breakdance!Comme j'ai vu que ça allait être compliqué je me suis tourné vers le punk parce que là au moins, y'a pas besoin de connaître plus de trois accords de guitare ! ahah…Bon je dois avouer qu'entre Benny B et le punk hardcore, y'a eu pas mal d'eurodance (!), de métal, de rock pour kidz et Queen aussi !En fait j'ai commencé à m'intéresser aux idées que pouvait véhiculer le punk-hardcore grâce aux fanzines. C'est là que je me suis rendu compte que ce mouvement pouvait être intéressant et enrichissant sur un plan personnel au-delà de la musique en elle-même. Avec un pote avec qui je faisais déjà pas mal de concerts (et qui est aussi le sosie de Freddy Mercury dans ses heures perdues), on a est découvert le Squat du 13 sur Paris (RIP) et c'est là que j'ai commencé à comprendre ce que voulait dire Do It Yourself !! Je garde un bon souvenir de cette période là (même si ce n'était pas la plus facile de ma vie) justement parce que j'ai trouvé dans ce mouvement un espoir pour donner un sens à tout le bordel que j'avais dans la tête !Même si je me rends bien compte que la scène punk est loin d'être parfaite, j'y trouve encore assez d'idées positives pour continuer à m'y investir.

Sébastien : le premier groupe punk que j'ai écouté, c'était les Bérurier Noir. Mon frère m'a fait découvrir ça quand j'avais dix ans, ça a été mon premier groupe culte. Après je suis passé à des groupes comme Metallica, Pantera, Faith No More, Tool… et ce n'est que plus tard que je suis passé à la scène hardcore punk.

Etes-vous parvenus à créer, avec Belle Epoque, la musique que vous aviez envie d'entendre et de jouer ? Ce groupe constitue-t-il une « synthèse » de vos goûts musicaux ou ceux-ci sont-ils beaucoup plus éclectiques que ce que votre musique retranscrit ? D'ailleurs qu'écoutez-vous en ce moment ?

Hervé
: Pour ma part, je suis super heureux de jouer la musique qu'on fait même si bien sûr je n'en serais jamais à 100% satisfait, eheh… Mais c'est déjà bien plus que je n'aurais pu l'imaginer un jour !
En revanche, je ne pense pas que le groupe soit une synthèse de nos goûts musicaux. On écoute tous trop de trucs différents pour pouvoir caser chacune de nos influences dans notre musique. A l'inverse, on ne s'est jamais fixé une ligne de conduite explicite. En fait on continue dans la lignée de ce qui est sorti la première fois que l'on a répété ensemble !Pour ce qui est de ce que j'écoute en ce moment… euh… bah, ça risque d'être dur de te faire une liste exhaustive. J'écoute beaucoup de musique dans différents styles (et ça ne fait que s'amplifier) mais le punk hardcore (tous genres confondus) reste encore central.

Sébastien : Oui, du moins ça s'en approche. La musique c'est comme du bon vin, faut lui laisser le temps de mûrir pour qu'elle développe toutes ses saveurs !! Belle Epoque c'est le regroupement de nos vibrations et de nos sentiments, on joue ce qu'on ressent et ça donne ça ! On aime tous l'émo mais chacun écoute des musiques différentes.

Votre nom, Belle Epoque, fait référence à une époque bien précise de l'histoire de France, située entre 1895 et la première Guerre Mondiale. Une période qui vit le pays sortir enfin de la dépression, la croissance reprendre, et durant laquelle tout le monde se mit à rêver de faire fortune. Ce furent en fait les grands débuts du capitalisme conquérant et l'âge d'or des grands entrepreneurs français (Peugeot, Renault, Michelin, Gaumont…). Avez-vous choisi ce nom pour faire un pied de nez à tous ceux qui croient encore, cent ans après, au rêve capitaliste (malgré sa faillite évidente) ? Ou est-ce seulement sa sonorité et sa consonance nostalgique qui vous ont séduits ?


Hervé : Au départ ce n'était pas vraiment sa sonorité qui m'a séduit mais plutôt son sens. Je trouvais ça bien ironique comme expression, « Belle Epoque », vu l'état de la société dans laquelle nous vivons actuellement. On peut le voir comme un pied de nez à ceux qui croient encore au « rêve capitaliste », car effectivement je ne comprends pas trop comment on a pu qualifier ainsi une période de l'histoire qui était loin d'être rose. L'industrie s'est fortement développée, l'idée de tourisme, de consommation a commencé à se répandre, les bourgeois se pavanaient dans leur luxe et leurs soirées mondaines… En fait, c'était tout à fait les prémisses de notre société actuelle. C'est peut être d'ailleurs pour cela que la classe dirigeante appelle encore cette période la « Belle Epoque » ! Enfin, quel que soit le moment de l'Histoire auquel on fait référence, je ne comprends pas, dans l'absolu, comment on peut utiliser cette expression. Pour moi, la « Belle Epoque » n'a jamais existé et n'existera jamais. L'Histoire n'est qu'une suite de moments, bons et mauvais. Après, tout dépend du point de vue duquel on se place. Je pense que c'est exactement la même chose à un niveau plus personnel : on a tendance à idéaliser notre passé mais en fait, notre vie n'est qu'une succession de bons et de mauvais moments (en schématisant bien sûr) et ce qui nous attend n'est pas pire que ce que l'on vient de vivre. Je n'ai pas envie de croire, par exemple, que la vie est belle que jusqu'à la vingtaine et qu'après on devient des darons tout moisis ! Pourtant c'est souvent ce que nous suggère les médias ou même la société en général.« Belle Epoque » c'est donc aussi un clin d'œil à nos, soit disant, plus belles années…Je pourrais pousser encore plus loin les références liées au nom du groupe mais je t'ai donné celles qui me semblaient être les principales.

Sébastien
: Regarde comment le monde tourne, moi ça me fait peur. Les gens commencent à en avoir assez, je pense qu'on n'est pas loin d'un changement. C'est la Belle Epoque.

Comment expliquez-vous le dénigrement auquel l'émocore doit faire face de la part de nombreux punks ? Le punk est certes à la base une musique revendicatrice, mais doit-on forcément hurler des slogans (souvent vides de sens) pour être reconnu comme tel ? Des paroles imagées (tout en restant politiques), comme les vôtres, ne sont-elles pas assez parlantes ? Cette moquerie n'est-elle pas une manière masquée de se protéger, d'éviter d'avoir à mettre à nu ses sentiments, ses émotions ? Personnellement j'ai l'impression que beaucoup de punks rejettent en bloc tout le côté personnel et émotionnel véhiculé par l'émocore, alors qu'il constitue pourtant la base même du punk : essayer de reprendre en main sa vie, s'épanouir personnellement ! Que pensez-vous de tout cela ? Vous sentez-vous, malgré tout, appartenir à la scène punk/ hardcore ?

Hervé : Je pense que le dénigrement actuel que peut subir l'« émocore » ne vient pas du fait que cette musique mette à nu certains sentiments ou émotions, ni du fait qu'elle manque de slogans accrocheurs pour punks en manque de révolution. Si certains punks dénigrent l'émocore actuellement, cela est peut être dû au fait que justement, l'émocore n'a bien souvent plus rien à voir avec l'essence même du punk hardcore… J'entends par là que l'émo est plus un phénomène de mode actuellement qu'un mouvement constructif et motivant. Bon attention, je généralise et ce n'est bien sûr pas le cas de tous les groupes dits « émo ». Il existe encore (et heureusement) des groupes qui font une musique « émo » mais qui, à côté de ça, fonctionne de manière DIY, ont des paroles intéressantes, n'aspirent pas à devenir « gros », et ne se demandent pas si la dernière veste en cuir et la ceinture à clous qu'ils viennent de s'acheter va bien avec la couleur de leurs Converses. Parce que ça, des poseurs dans l'émo, y'a en a plus qu'il n'en faut ! Mais cela est valable pour l'ensemble du punk (en vrac : les crêtes, les vestes à clous, les Crusts de Salon, etc…).Le punk est une musique revendicatrice, il est vrai, mais on peut se poser la question si elle l'est toujours. Et malheureusement j'ai bien peur que non! D'un certain côté, je ne trouve pas ça plus mal, parce que, hurler des slogans préfabriqués et bien démagos, ça ne sert strictement à rien (je suis bien d'accord avec toi), mais d'un autre côté, je suis souvent déçu que des groupes dits « punks », ou gravitant dans cette « scène », n'aient vraiment rien d'autre à proposer que de la musique. En ce qui nous concerne, je ne pense pas que l'on apporte quoi que ce soit de nouveau à la scène punk… Perso, j'ai juste envie de vivre et de partager avec Belle Epoque quelque chose qui dépasse de beaucoup la musique, même si cette dernière reste l'élément fédérateur et notre passion à tous. Je me sens proche de la scène punk dans le sens où on essaie de fonctionner selon certains principes véhiculés par celle-ci que je trouve totalement valables, positifs et motivants (le DIY et le Non-Profit principalement).

Sébastien
: Je n'aime pas cette idée d'appartenir à une scène, on est un groupe, on joue et on ne se demande pas si on est rangé entre le punk ou le hardcore. Ca c'est le travail des gens. Je pense que beaucoup de punks dénigrent l'émo parce que ça fait bien de dire que c'est de la merde, on est très fort pour ça en France. « Un punk qui écoute de l'émo ? Tu rigoles, c'est pas un vrai punk alors !! » A mon avis, beaucoup de punks devraient revoir quels sont leurs buts et leurs valeurs dans la vie plutôt que d'accorder de l'importance à des questions d'étiquettes.

« De beaux lendemains » aborde le thème de l'uniformisation, de la standardisation des individus, des normes, et de la marche à suivre pour être socialisé « correctement »dans une société capitaliste. Le punk est censé, par définition, combattre ces valeurs et proposer une alternative différente. Mais n'avez-vous pas l'impression qu'il a, souvent, tendance à reproduire ces travers ? Par exemple, si vous regardez le public d'un concert punk, quasiment tout le monde est habillé de la même façon, partage le même discours consensuel (souvent sans même se demander s'il est d'accord avec), aime les mêmes groupes… A ce propos, d'après vous, pourquoi n'y -a-t-il pas plus de personnes noires et arabes dans la scène punk qui prône pourtant, la tolérance, l'ouverture d'esprit et l'anti-racisme ?

Hervé : Je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusions. Le punk fait parti intégrant de notre société capitaliste, néo-libérale (enfin quel que soit son nom…) et en aucun cas, il ne s'en est émancipé. La scène punk-hardcore DIY est un microcosme qui reproduit bien souvent les schémas imposés « en dehors ». Ne parlons même pas des autres courants liés au punk tels que le Youth Crew, le NYHC, ou encore le Rock n Roll, où tout est basé sur « l'Attitude » (excusez moi de généraliser mais c'est malheureusement souvent ce que j'ai pu observer). Les comportements que l'on retrouve au sein de ces sous groupes sont exactement les mêmes que ceux que l'on retrouve dans la société dite « normale », c'est à dire qu'ils présentent leur lot de violence, d'intolérance, de sexisme, de racisme, etc… Je suis cependant d'accord pour dire que la scène punk-hardcore DIY n'est pas parfaite non plus, loin de là !Par exemple, les standards imposés par la mode se retrouvent au sein de cette « scène » alors qu'elle serait plutôt censée les combattre. Bien souvent les gens qui fréquentent les concerts punks sont soucieux de l'image qu'ils vont renvoyer. Ca ne me pose pas de problème que quelqu'un soigne son apparence, je ne jugerai pas la personne là dessus, mais disons qu'on retrouve, comme tu dis, un certain conformisme au niveau du look. C'est assez hallucinant de voir les gens changer dans le punk en fonction des modes, ce qui montre encore une fois l'influence de notre société capitaliste sur nos comportements. En ce qui concerne la question des personnes noires ou arabes, je pense qu'il s'agit d'un autre problème. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment des personnes racistes (du moins en ce qui concerne la couleur de la peau ou l'origine ethnique) qui gravitent au sein de la scène punk. Je me trompe peut être mais j'ai l'impression que s' il y a moins de noirs et d'arabes dans les concerts punks, c'est avant tout pour une raison culturelle. Chaque peuple a sa propre sensibilité musicale. Le rock est à la base la musique contestataire des occidentaux comme le reggae, par exemple, a pu l'être (l'est encore ?) pour les jamaïquains. Enfin, il y a sûrement de meilleurs exemples mais étant donné la pauvreté de ma culture musicale d'occidental de base, je ne peux pas trop m'étendre !! Si j'étais né ailleurs qu'en France, je pense que j'aurais tout de même exprimé mes sentiments grâce à la musique mais peut être pas avec une guitare électrique !Quoi qu'il en soit, j'ai tout de même l'impression que ces clivages ethniques dans la musique tendent à s'estomper avec le temps, même s'il est vrai que le punk rock reste encore en majorité une musique de blanc.

Sébastien : Aujourd'hui, si tu décides de vivre en dehors des valeurs imposées par le système tu te retrouves exclu. C'est là qu'arrivent les mouvements parallèles (mouvement punk, free party…). Mais, même dans ces mouvements qui semblent plus variés et libres, tu retrouves un effet de masse. L'homme a tendance à reproduire ce qu'il voit, il doit suivre la masse ou courir le risque d'être exclu à son tour. Ce qui me fait penser que tout sera toujours « étiquetté ». C'est sûrement pour cela qu'il y a peu de personnes de couleur dans les concerts, parce que ce mouvement ne semble pas assez ouvert pour elles. Peut-être qu'avec le temps…


« La vérité occultée » parle d'une tentative de donner un sens à sa vie, de s'épanouir hors des sentiers battus et de goûter à un bonheur différent de celui qu'on nous vend à la TV. Pouvez-vous tenter de donner une définition de se que serait pour vous le « vrai » bonheur ?

Hervé : Aaargh ! Tu abordes là un sujet bien difficile ma foi !Euh… bah… difficile de résumer en quelques lignes ce qu'est le bonheur. Je vais peut être sortir des banalités mais pour moi le bonheur c'est avant tout réussir à construire des relations avec les gens qui nous entourent sur d'autres bases que celles imposées par la concurrence, l'argent, le profit, l'égoïsme, la superficialité, l'hypocrisie, la standardisation, etc… Si je parle des relations humaines en premier lieu, c'est parce que c'est bien souvent cela qui me rend le plus heureux (mais aussi parfois le plus triste). J'adore discuter avec les gens et rencontrer de nouvelles personnes. Je trouve aussi énormément de bonheur à travers la musique, les voyages, la nature, mes chats… Bon, je crois que c'est difficile de faire plus cliché que moi sur ce coup là !! En même temps, je vais pas te faire une dissertation sur le bonheur, non ?!!

Sébastien : Le vrai bonheur serait de pouvoir « vivre » tout simplement, car aujourd'hui on ne vit pas mais on survit. Plein de gens vont me prendre pur un fou, mais je pense qu'il faudrait retourner à un mode de vie beaucoup plus simple. Je me verrais bien travailler la terre pour pouvoir nourrir mes proches, ne pas être l'esclave du système et gérer mon temps comme il me plait. Qu'est-ce qui fait tourner le monde ? L'argent, le sexe et la drogue !! Les gens sont tellement en quête d'argent qu'ils en oublient les bonheurs simples de la vie.

Vos paroles sont très imagées et poétiques ce qui les rend forcément vagues et abstraites. Chacun peut en tirer sa propre interprétation (d'ailleurs en lisant vos textes explicatifs on se rend compte que, même à l'intérieur du groupe, vous ne voyez pas forcément les chose de la même manière). Cela est-il une façon d'interpeller l'auditeur, de l'amener à réfléchir, à se questionner, à se forger son propre point de vue ? A se positionner en tant qu'acteur et non en consommateur passif ? Cette idée de l'auditeur actif vous tient-elle particulièrement à cœur ?

Hervé : Je pense qu'à partir du moment où la personne qui se procure notre disque prête attention aux textes, elle ne se trouve plus dans une position de consommateur passif. Beaucoup de gens font l'impasse sur les textes et ne s'intéressent qu'à la musique… C'est chouette si les gens essaient de voir de quoi parlent nos chansons. Bon en même temps, c'est vrai qu'il faut avoir envie de se farcir les textes de Morgan, ahah !!! Disons qu'il écrit de manière assez personnelle, avec ses mots à lui, ses expressions… Du coup, j'ai parfois un peu de mal à le suivre… Morgan lit beaucoup et écrit pas mal de poèmes, c'est peut être pour ça qu'il écrit ses paroles de façon assez imagée. Mais comme on discute beaucoup du thème des morceaux, je me retrouve très souvent dans ce qu'il écrit. Et au final, il exprime certains trucs qui m'ont touché d'une manière complètement différente de la mienne. Mais c'est plutôt une bonne chose parce que je suis incapable d'écrire des paroles !!!Comme je ne peux pas m'empêcher d'ouvrir ma gueule, j'ai ajouté dans la démo quelques réflexions qui m'ont traversé l'esprit en lisant les textes de Morgan. A l'avenir, je pense qu'on continuera à le faire… Je trouve ça intéressant de proposer/confronter plusieurs points de vue par rapport à un même thème.

Sébastien : Oui j'aime beaucoup cette idée de l'auditeur actif. Il est toujours bénéfique de se poser des questions sur soi ou sur le monde en général. Et puis la musique permet une meilleure approche de la réflexion.

La jaquette de votre démo est super originale dans sa conception, surtout au niveau de la forme. Je n'en avais jamais vu de semblables auparavant. Etait-ce une volonté de vous singulariser de l'uniformité des jaquettes de groupes punk/ hardcore que l'on voit habituellement dans les distros (avec leur lot de têtes de mort, bâtiments en ruines, scènes de guerre…) ? Attachez-vous une importance particulière au visuel, qui serait dans ce cas là au service de la musique ? Etes-vous d'accord avec l'idée qu'un disque punk doit être plus que de la musique ?

Hervé : Je ne pense pas que l'artwork de notre démo s'éloigne tant que ça de l'esthétique punk/hardcore. Mais tant mieux si tu trouves qu'on y arrive !! On avait envie de faire quelque chose de sobre, genre gravure, car on départ on comptait faire sérigraphier la pochette (au final, on l'a fait mais seulement pour une soixantaine de démos !).Morgan dessine depuis déjà pas mal de temps. Il fait des trucs dans plein de styles différents. J'avais repéré une de ces peintures dans sa chambre qui collait bien avec l'esprit du groupe. C'était le petit bonhomme qu'on a utilisé pour illustrer la chanson « De beaux lendemains ». Il l'a retravaillé pour la démo et puis on a voulu continuer dans cet esprit. Pour ce qui est de la conception de la pochette, ça n'a rien de super original mais on avait juste envie d'avoir un bel objet entre les mains. D'une part, on s'est bien amusé à concevoir l'artwork avec Morgan et d'autre part, on ne s'imaginait pas (et on ne s'imagine toujours pas d'ailleurs) sortir un disque avec un artwork bâclé. Après les gens aiment ou n'aiment pas mais pour nous l'aspect visuel a vraiment son importance. Je pense que quiconque achète un disque associe forcément la musique à l'imagerie que développe le groupe. Comme on a la chance d'avoir quelqu'un qui dessine dans le groupe, je pense qu'il serait dommage de ne pas en profiter. C'est un moyen d'expression et de communication supplémentaire, en plus des textes et de la musique.

Sébastien : Non ce n'était pas notre but de nous distinguer des autres groupes, mais plutôt une envie de retranscrire ce qu'on avait à l'intérieur, comme pour la musique, et voilà ce que ça donne. Oui je suis persuadé qu'un disque punk doit être plus que de la musique. Certains disques peuvent t'emmener très loin et te faire changer d'état d'esprit. Après tu calcules la magie ou pas et tu y vois ce que tu veux y voir.

Vous revenez juste de tournée, pouvez-vous nous en dire un peu plus là dessus ? L'ambiance, le contact avec le public, les meilleurs moments, les galères, les rencontres… ? Est-ce que pour vous ces moments (concerts et confrontation au public) demeurent une des finalités dans le fait de jouer dans un groupe de musique ? Pourriez-vous envisager de faire partie d'un groupe qui ne voudrait pas jouer en live ?

Hervé : Je crois qu'on est tous d'accord là-dessus dans le groupe : la tournée était phénoménale !!! On a passé 10 jours incroyables, hors du temps. Je crois que pour nous tous c'était plus ou moins un rêve de partir en tournée. C'est difficile de te faire un résumé de ce que l'on vient de vivre, surtout que c'est encore tout frais dans nos têtes. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'on a rencontré beaucoup de gens très sympathiques, l'accueil était toujours très chaleureux (alors qu'on est un groupe totalement inconnu), on a vu du pays aussi (l'Angleterre majoritairement) et mille autre choses encore !On n'a pas vraiment eu de galères pendant la tournée… A la limite, on en a eu plus avant de partir que pendant la tournée elle même. Je crois qu'on n'aurait pas pu espérer mieux…Jouer ta musique live chaque soir devant des gens différents c'est génial. C'est là que, pour moi, tout prend un sens. Je ne pense pas que le punk hardcore soit destiné à rester une musique privée… L'essence de cette musique c'est la communication. Bien souvent j'ai eu l'impression qu'il y avait un échange qui allait plus loin que la musique. Si je joue dans un groupe de punk hardcore ce n'est pas pour rester enfermé chez moi ou dans un studio d'enregistrement…Franchement, on est parti en tournée alors qu'on n'a aucune expérience. On a qu'une démo et on ne sait toujours pas jouer nos morceaux sans faire de pains, mais à la limite quelle importance ? Si on est parti en tournée, ce n'était pas pour faire de la démonstration ou vendre des disques, c'était pour voyager et rencontrer des gens, s'enrichir personnellement et collectivement, par l'intermédiaire de notre passion, la musique.

Sébastien : Cette tournée était géniale. Normal puisque c'était la première ! Les gens étaient vraiment cools et ouverts, ce qui change du public parisien. Tourner avec un groupe comme The Pine nous a valu de bonnes crises de rire. Ils sont excellents même s'ils en font un peu trop de temps en temps. Ce qui m'a le plus soûlé, c'était la route. Vraiment pesant à force… faut s'y habituer je crois. Mais une fois que tu es sur scène tu ne penses plus à ce genre de détails, c'est que du bonheur. Le concert à Manchester était vraiment énorme, je n'avais jamais joué dans un maison en plein centre-ville. Trop bon. Jouer devant des gens c'est vraiment ce qu'il y a de mieux dans le fait d'avoir un groupe. Il n'y a rien qui me fait plus plaisir que de voir des gens complètement captivés par ta musique. On est un peu là pour offrir du rêve.

Voilà, je vous laisse le mot de la fin. Ajoutez ce que vous voulez, parlez nous de vos projets (à quand un nouvel enregistrement ?)…

Hervé : Merci à toi, Pierre, de nous laisser la place de t'exprimer dans ton zine. C'est la première fois qu'on nous propose de faire une interview donc c'est un exercice nouveau pour nous ! J'espère que je n'ai pas été trop confus dans mes réponses. C'est assez dur, en fin de compte de mettre ses pensées sur papier. Mais ça permet de faire le point aussi, c'est cool. En tout cas, t'as l'air plutôt motivé à faire ton zine, donc j'espère que tu ne vas pas lâcher l'affaire. Même si c'est galère des fois, je suis sûr que tu en retireras que du positif au final. Juste un petit mot sur nos projets pour finir : composer tout d'abord, parce qu'on est très lent et puis aussi parce qu'on aimerait bien sortir un vrai disque un jour. Et puis repartir en tournée dès que cela sera possible. Y'a rien de mieux !

Sébastien : Là on va se remettre à composer et en novembre ou décembre on retourne en studio, donc bientôt de la nouveauté !! Et je pense que pour l'été prochain on va essayer de s'organiser une petite tournée sud de la France/ Espagne / Italie. Et sinon on nous a proposé de tourner en Allemagne ave Collin Kramer mais rien de concret encore.

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